Compte rendu personnel de la soirée conférence/débat du 16 novembre à l’IHECS.
Mercredi passé 16 novembre, à l’initiative de la section locale du cdH de la Ville de Bruxelles a eu lieu la conférence/débat “l’aventure CETA: Quelles leçons en tirer?”.
Le public courageux qui avait affronté la pluie et le froid en plein milieu de semaine avait envie de savoir en quoi la résistance des parlementaires wallons, ceux de la Communauté Française ou encore du Parlement bruxellois avait oui ou non modifié quelque chose à ce fameux CETA, considéré bien souvent comme le “cheval de Troie” du non moins fameux TTIP…
Après l’introduction au débat par notre députée et cheffe de file à la Ville, Joëlle Milquet, également modératrice du débat, Pierre Defraigne, économiste, directeur général honoraire à la Commission européenne a d’entrée de jeu salué le travail parlementaire exemplaire du Gouvernement wallon et singulièrement des élus cdH. Contrairement aux socialistes qui semblaient jusque là hésiter entre pragmatisme et idéaux, ils ont très clairement exprimé et ceci dès après les auditions multiples organisées par le parlement depuis de longs mois, que sans modifications et éclaircissements, ils ne voteraient pas cet accord.
Il a ajouté que ce qui était intéressant avec la démarche wallonne, c’est qu’elle n’était pas opportuniste ou liée à un chantage comme dans le cas de la Bulgarie conditionnant sa signature à la levée de l’obtention de visa d’entrée au Canada pour ses ressortissants.
Au contraire Monsieur Defraigne a souligné que l’opposition wallonne était fondée sur des principes démocratiques profitables en finalité à tous les protagonistes! Defraigne a ensuite expliqué que si aujourd’hui, le Parlement européen était bien élu démocratiquement, il n’était en fait que la superposition des partis nationaux alliés dans des groupes politiques au sein du Parlement européen. Il a rappelé l’urgence de voir émerger des groupes politiques supranationaux afin de pouvoir enfin disposer d’une “opinion publique européenne”.
Madame Marianne Dony, professeur de droit européen à l’ULB a quant à elle mis en garde par rapport à la problématique et parfois la difficulté de ce qu’on appelle les accords “mixtes”, c.-à-d. que pour certains accords, l’Union européenne a une compétence partagée avec les États.
En ce qui concerne la Belgique fédérale, cela signifie que chaque entité fédérée donne son avis. Un accord interne au pays doit être trouvé pour que l’État belge donne son avis à l’Union européenne… Marianne Dony a plaidé pour une négociation meilleure et plus transparente en “amont” des décisions, ce qui aurait pu éviter la crise que nous avons connue. Elle a ajouté que l’Europe, pour garder sa crédibilité et sa capacité de négocier, devrait réussir à mettre des choses en place dans ce domaine.
Antoine de Borman, directeur du CEPESS, le centre d’étude du cdH qui remplaçait Benoît Lutgen, président du parti, retenu à Bastogne, a profité de l’occasion pour relever que la concertation intra belge n’avait pas bien fonctionné… que le niveau fédéral n’avait pas été suffisamment à l’écoute des parlements qui contrairement à ce qu’on a pu parfois entendre, avaient depuis de longs mois exprimé leurs craintes, puis leurs réticences à valider le CETA. De Borman a ensuite retracé le fil des événements au sein des parlements en expliquant que si le traité en lui-même ne pouvait être modifié, une note interprétative ayant la même force légale que le traité lui-même avait quant à elle permis d’en préciser les applications. Il a cité entre autres la clause de sauvegarde en matière agricole en cas de déséquilibre du marché, la réaffirmation que le CETA n’empêcherait pas, notamment concernant les OGM, de garantir l’application du principe de précaution dans l’UE, la possibilité pour la Belgique (et chacune de ses composantes), après évaluation des effets socio-économiques et environnementaux du CETA, de mettre fin à l’application provisoire de celui-ci.
Le point essentiel sur lequel les intervenants semblaient tous d’accord était que la Belgique allait pouvoir saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour vérifier si le système juridictionnel des investissements, qui doit remplacer le mécanisme actuel d’arbitrage était bien compatible avec le CETA.
Pierre d’Argent, professeur de droit international et européen à l’UCL s’est quant à lui insurgé à propos de “l’épisode wallon” et l’annexe interprétative qui est présente dans l’accord intra belge. D’après lui, pour l’essentiel cela n’ajoute pas grand-chose à ce qui se trouvait déjà écrit dans le traité.
Il a argumenté que notamment suite aux pressions de la société civile, les modifications apportées par l’UE concernant les cours d’arbitrages entre investisseurs et États (ISDS devenu ICS) donnaient suffisamment de garanties d’impartialité.
Il a ajouté que demander que cette cour soit constituée de juges ne travaillant uniquement que sur cette question n’avait pas de sens (étant donné le peu de cas qui arriveraient finalement à cette cour) et que l’on finirait par payer des gens à ne pas faire grand-chose…
Arnaud Zacharie Secrétaire général du CNCD- 11.11.11, visiblement plusieurs fois excédé par les propos de Monsieur d’Argent a ensuite pris la parole pour expliquer l’implication de la coupole des ONG.
Les traités de nouvelles générations ont pour différences essentielles avec les précédents le fait qu’ils établissent des normes qui recouvrent un nombre sans précédent de domaines, des droits de douane à la propriété intellectuelle, en passant par les investissements, les services, et les droits de l’homme et de l’environnement. Pour Zacharie, il était évident à ce titre que le CNCD travaille à fond sur cette question. Il a entre autres évoqué la nécessité de laisser “hors du traité” le système de protection social et des soins de santé et en particulier le système belge des mutuelles.
Enfin, Arnaud Deplae Secrétaire général de l’Union des Classes moyennes (UCM), a précisé que le tissus économique belge et particulièrement wallon était composé en toute grande majorité de PME, voire de très petites entreprises. A ce titre, les PME exportatrices susceptibles de bénéficier du CETA ne représentaient qu’une très petite partie de l’ensemble de PME belges. En gros, sans les modifications apportées par la note interprétative au CETA, ce vaste marché ne serait pas accessible à la plus part de ces PME car elles n’en auraient tout simplement pas les moyens financiers…
Malgré que la discussion fût de très haut vol, parfois compliquée et très technique, le public est resté concentré et captivé. Mais plus de deux heures étaient déjà passées… Joëlle Milquet a alors passé la parole à l’assemblée. Interventions intéressantes et souvent bien argumentées: Certains ont demandé des éclaircissements, d’autres ont exprimé leurs opinions personnelles sur tels ou tels points.
Finalement, le timing nous pressant, il y a eu un petit changement de programme… et Joëlle Milquet m’a demandé au pied levé de faire la conclusion de la soirée.
Par honnêteté, cette conclusion, je l’ai annoncée d’emblée partisane, puisque depuis plus d’un an et demi, en tant que citoyen et conseiller communal, je ne cessais de relayer les questions et préoccupations de la société civile tant au Conseil Communal de la Ville de Bruxelles qu’au sein de mon parti.
J’ai donc remercié chaque participants pour la qualité de leurs interventions très instructives pour en arriver à la question “L’aventure du CETA: Quelles leçons en tirer? “
En tant que mandataires politiques, notre rôle devait d’être des “relais”. Ce qui était frappant il y a déjà deux ans c’était que la société civile semblait crier dans le désert et que personne ne les écoutait…
La prise de conscience politique a permis d’encore mieux faire passer l’information et en quelque sorte de vulgariser ces textes rébarbatifs concoctés par des technocrates dans des cénacles fermés. Qu’on le veuille ou non, le Parlement wallon a mis sur le devant de la scène une série d’éléments qui ont permis à la population de mieux comprendre les enjeux et de se faire une opinion.
Ce qui s’est passé en Belgique, que le CETA soit fortement ou légèrement modifié, aura certainement des effets “diffusions” vers l’Europe. Et cela parce qu’il y a eu un vrai travail parlementaire, une réappropriation de l’exercice démocratique.
A la lumière de ce qui avait été dit pendant la soirée, je pouvais donc affirmer que oui! Il y aurait un “après CETA”! Car à l’avenir, tant au niveau de l’Europe qu’aux niveaux plus locaux, “L’aventure CETA” aurait des répercussions sur la manière de faire de la politique.
Il faudra en finir avec cette attitude arrogante et méprisante qui consiste à dénigrer et opposer ceux qui “savent” au citoyen lambda! Il faudra réapprendre à écouter les gens et être prêts à se remettre en question. Et ce ne sera certainement pas du populisme!
Le cdH n’a pas été le parti qui a utilisé des phrases et des slogans simplistes! Au contraire, l’action a été didactique et a été sous-tendue par une volonté d’écouter et d’expliquer. De faire son “job” en quelque sorte!
Oui, demain, il y aura une suite, car comme disait Monsieur Defraigne, le TTIP n’est pas encore totalement enterré et il faudra rester vigilant!
Nous devrons donc être à la hauteur de ces défis!