Le TTIP… Mais que signifient donc ces initiales ? Il s’agit du projet de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement entre l’Union Européenne et les Etats-Unis d’Amérique. Le 8 septembre dernier, la Ville de Bruxelles votait une motion mettant en avant les craintes suscitées par les négociations actuellement menées et qui constituaient une menace grave pour nos démocraties communales, notamment en matière économique, sociale, sanitaire, environnementale et culturelle.
Depuis, chaque jour des citoyens plus nombreux prennent conscience du contenu des négociations en cours et leurs réactions se font, à juste titre, de plus en plus critiques.
Le 4 mai dernier, une coalition inédite d’organisations civiles belges, tant néerlandophones que francophones a exprimé son opposition aux négociations du TTIP sous leur forme actuelle et a demandé de suspendre celles-ci.
Le but de la proposition de motion que je vais déposer au nom de mon groupe politique lundi prochain au conseil communal n’est pas de s’affirmer “opposant” aux accords de libres échanges. Je sais bien qu’ils peuvent favoriser la croissance économique et qu’ils peuvent être des outils pour renforcer les normes humaines, sociales, environnementales et sanitaires, pourvu que leur convergence se fasse vers le haut. C’est d’ailleurs comme cela que l’Europe se construit depuis sa création!
Le problème est qu’aujourd’hui, malgré les très nombreuses craintes exprimées par les citoyens d’horizons très différents, par la société civile et par le monde politique, rien ne bouge et les négociations continuent envers et contre tout, sans transparence.
Je considère que le niveau communal est le premier échelon démocratique, proche des citoyens. En tant que tel, mes collègues et moi avons la responsabilité à la fois d’informer les concitoyens des effets potentiels de tels accords, mais aussi de relayer les craintes et revendications exprimées par ceux-ci.
Ce que nous appelons notre “modèle” belge ou européen est l’enjeu fondamental de la poursuite ou non des négociations actuellement en cours!
Aujourd’hui, exprimer nos craintes n’est plus suffisant! Nous devons aller plus loin et demander la suspension des négociations en cours, l’ouverture d’un large débat démocratique et la redéfinition du mandat octroyé à la Commission européenne sur bases de critères et de balises claires et contraignantes.
Pour marquer les esprits, ma proposition demandera aussi, au cas où les négociations se poursuivaient sous leur forme actuelle, que la Ville de Bruxelles, capitale de l’Europe se déclare symboliquement ” Zone hors TTIP”.
Vous trouverez ci-dessous le texte complet de la motion que je présenterai au conseil communal du 8 juin prochain.
Bruxelles le 8 juin 2015,
Proposition de motion concernant la demande de suspension des négociations du projet d’accord TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) sous leur forme actuelle, et en cas de poursuite des négociations comme tel, de la mise symbolique de la Ville de Bruxelles ” zone hors TTIP ”
Vu le mandat relatif à la conclusion avec les États-Unis d’un accord appelé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement », donné par les ministres européens des affaires étrangères et du commerce lors du Conseil affaires générales du 14 juin 2013 ;
Considérant que le commerce international peut favoriser la croissance économique et le développement mais aussi contribuer au renforcement des liens entre les pays ;
Considérant que les accords de libre-échange peuvent être des outils pour renforcer les normes humaines, sociales, environnementales et sanitaires pourvu que leur convergence se fasse vers le haut ;
Considérant que l’Europe a prioritairement besoin d’un plan d’investissements pour l’activité et l’emploi afin de faire reculer le niveau du chômage et que le relèvement de la croissance européenne d’origine interne est plus efficace et plus rapide que la relance par les exportations avec les États-Unis, laquelle resterait aléatoire et marginale compte tenu du contexte de crise debuté en 2008 et qui se prolonge des deux côtés de l’Atlantique;
Considérant l’avantage économique faible de cet accord (une étude commanditée par la Commission européenne estime que dans le cas où la négociation réussi à 100% pour l’Europe dans son entièreté, le PIB augmentera de seulement 0,5% du PIB après 12 ans ) et les conséquences potentiellement inquiétantes – notamment en termes de concurrence, de normes sociales, environnementales, économiques, sanitaires, agricoles, de propriété intellectuelle, d’exception culturelle;
Considérant le manque de transparence actuel dans l’élaboration de ces accords, l’absence de débat autour de ces derniers impliquant la participation de tous les niveaux de pouvoir mais aussi des organisations associatives et syndicales, des organisations socio-professionnelles et des citoyens ;
Considérant que les accords de libre-échange ne doivent pas se révéler être des outils utilisés par certains pour assouplir, voire abroger, les législations européennes, nationales, régionales ou communales;
Considérant l’importance de préserver le niveau de protection des normes sociales, sanitaires et environnementale en vigueur au sein de l’UE et d’assurer leur respect par les entreprises européennes et étrangères opérant sur le marché unique européen ;
Considérant que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats actuellement défendu par les négociateurs de l’accord, créerait une cour arbitrale composée d’experts non élus, devant laquelle les communes, les régions, les Etats, livrées aux avocats d’affaires, pourraient être directement attaqués par une firme privée. Ce qui signifie que toute espèce de norme sociale, sanitaire, alimentaire, environnementale ou technique adoptée par un Etat, une Région, une commune, dès lors qu’elle contrarie une firme privée, pourrait être attaquée devant un mécanisme d’arbitrage privé ;
Considérant qu’un tel montage juridique limiterait la capacité des autorités publiques à maintenir des services publics (éducation, santé…), à protéger les droits sociaux et garantir la protection sociale, à maintenir des activités associatives, sociales, culturelles préservées du marché (menaçant par-là la diversité culturelle et linguistique) ;
Considérant qu’en concluant cet accord l’Europe accepte de réduire sa capacité de se penser comme un acteur politique autonome et délaisse dès lors sa dimension humaniste qui constitue ses fondements mêmes.
Considérant que la Ville de Bruxelles a voté à l’unanimité des voix moins une abstention lors de son Conseil Communal du 8 septembre 2014 une motion exprimant ses craintes quant aux négociations telles qu’actuellement menées dans le cadre du TTIP qui constituent une menace grave pour nos démocraties communales, notamment en matière économique, sociale, sanitaire, environnementale, culturelle; Demandant aux autorités belges compétentes et concernées d’exiger que les négociations concernant le projet de Partenariat transatlantique sur le Commerce et l’Investissement entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique visent absolument une harmonisation vers le haut, c’est à dire, intégrant les normes les plus élevées, que cela concerne les droits sociaux et à la santé, les droits humains, les dispositifs de protection de l’environnement ou encore la protection des travailleurs et des consommateurs ; Demandant également aux autorités belges compétentes que les services publics et d’intérêt général soient absolument préservés du projet de traité ; Marquant sa ferme opposition à toute clause de règlement des différends entre les investisseurs et les autorités publiques ; Et demandant aux autorités belges compétentes qu’un large débat sur l’ensemble des accords de libre-échange impliquant la participation de tous les niveaux de pouvoir mais aussi les organisations syndicales et associatives, les organisations socio-professionnelles et les citoyens soit organisé ;
Considérant qu’il est de la responsabilité des élus communaux d’informer les citoyens et de relayer aux instances responsables leurs craintes justifiées quand aux implications potentielles d’un tel accord;
Le Conseil communal :
Réaffirme ses craintes que le TTIP constitue une menace pour nos démocraties communales, notamment en matière économique, sociale, sanitaire, environnementale, culturelle ;
Appelle le gouvernement fédéral à demander la suspension des négociations concernant le TTIP dans leur forme actuelle.
Demande de redéfinir le mandat octroyé à la commission européenne après un débat au sein du parlement européen et de fixer les balises claires d’une nouvelle négociation.
Ces balises devront être contraignantes et doivent notamment traiter la sécurité sociale, le droit du travail, les normes humaines, sanitaires et environnementales, les modes de régulation financière et bancaire, l’échange de données et la lutte contre les paradis fiscaux, l’exclusion des domaines tels que la culture, l’agriculture et les domaines d’utilité publique essentiels comme l’eau, la santé et l’éducation, mais également l’exclusion de mécanismes spécifiques de règlement des différents Etats-investisseurs.
Appelle le Gouvernement fédéral, la Commission, le Conseil et le Parlement européens à garantir, via de nouvelles négociations, un renforcement des normes tant européennes qu’américaines afin d’assurer des deux côtés de l’Atlantique une meilleure protection de l’environnement, des travailleurs, des consommateurs, de la santé et de la sécurité humaines.
Demande que cet accord soit ouvert à d’autres partenaires qui pourraient se joindre à une négociation plurilatérale sur base de conditions claires et prédéfinies pour aboutir ainsi progressivement à un cadre multilatéral au sein de l’OMC
Demande aux autorités belges compétentes de faire pression au niveau européen afin que les “nouvelles” négociations sur un projet de partenariat se fassent sur base des critères précités dans la plus grande transparence.
Déclare qu’en cas de ratification du TTIP tel qu’en l’état, la Ville de Bruxelles, Capitale de l’Europe se considérera comme non concernée par celui-ci en raison de la non-implication de l’ensemble des niveaux de pouvoir, du manque de transparence dans les négociations et, par conséquent, du caractère non démocratique de ces accords.
Se déclare , si les négociations actuelles devaient se poursuivre, à l’instar d’autres villes et communes belges et européennes, symboliquement « Ville hors TTIP» ( dans sa version actuelle)
Charge le Collège d’adresser la motion votée par le Conseil aux autorités suivantes : Commission et Parlement européens, au gouvernement fédéral et aux pouvoirs régionaux et communautaires.